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Interview de fadhel el Jaziri. Par . Nacer Sardi

 

Interview  réalisée juste avant les JCC 2019, autour de son film “De la guerre” (Guirra).

Elle fut publiée dans le quotidien du festival.

À regarder votre itinéraire de près et vos productions théâtrales ou scéniques, de « Borni et El Âatra » à « El hadhra », de « La noce » à « Ezzaza », on a l’impression que tout vous mène inévitablement au cinéma !

– Très tôt, nous avons commencé, avec mes compagnons, à penser à la nécessité de passer de la communication relativement restreinte, qu’offre la scène théâtrale, à une communication de masse ; d’où les expériences télévisuelles et cinématographiques. Ceci est porté par la conviction du « Devoir de servir ».                                                                                                                                                                     Le cinéma répond à cette obligation de sortir d’un espace intimiste vers un espace plus populaire. L’expérience de la pièce « La noce que nous avons transformée en œuvre cinématographique, répondait à ce besoin.

 Est-ce par ce souci de communication que vos œuvres sont généralement une projection du passé sur le présent 

– Tout en travaillant, nous avions le souci de laisser une trace en nous positionnant comme les témoins d’une époque et d’en incarner l’esprit. Nous sommes, en fait, le réceptacle des incohérences de cette époque à travers l’expression des différents points de vue qui la traversent ; tout en restant fidèles à son esprit.

 C’est cette envie de laisser une trace qui a poussé « Le Nouveau Théâtre » à adapter « La noce » et « Arab » au cinéma 

– La pièce « Arab » a été jouée, disant cent fois. Combien de spectateurs l’ont vue ? Quelques milliers !  Le passage de l’œuvre à la télévision peut engendrer trois millions de téléspectateurs. Notre volonté était, elle l’est encore, de faire parvenir notre façon d’aborder les réalités d’une époque au plus large public. Ceci n’exclut ni maladresses, ni les imperfections. En fait, c’est un travail empirique et le discours doit répondre à cet empirisme. C’est pour cette raison qu’il a fallu adapter la caméra dans « Guirra » à cette situation et aux doutes des personnages. Par contre, et même si la situation peut être difficile, ou même dramatique, le travail doit être fait dans la joie. Deux choses ont conditionné ce passage du théâtre au cinéma

D’abord la modestie et la simplicité des moyens qui nous impose une façon, de concevoir et de faire, assez minimaliste.

La seconde provient directement de l’essence même de ces deux Arts, qui nous impose de changer notre façon d’aborder l’un ou l’autre. Le théâtre est éphémère et de contact direct ; d’où une richesse inouïe en émotions. Le cinéma est plutôt une question d’effets et de composition : le cadre, la mise-en-place, le jeu d’acteurs discontinu, … d’où une construction pérenne qui se mue en trace imprégnée dans le temps.

 Justement, comme comédien / acteur (Arab, la noce, Traversée, …), comment avez-vous abordé cet aller / retour entre théâtre et cinéma

– Le théâtre suppose un travail de distanciation, un plaisir immédiat à jouer, de l’humour et une complicité avec le public. Le cinéma se conjugue en une relation discontinue avec la caméra. ceci impose un effort pour conserver une cohérence dans le jeu. Ceci implique une émotion plus retenue, moins spontanée.

  Ceci n’exclut pas, que pour les rôles qui ont suivi la disparition de notre complice, maître de la lumière, Habib Masrouki, mon personnage était vraiment effondré comme dans «Traversée » de Mahmoud Ben Mahmoud.  Dans tous les cas, j’ai toujours joué par obligation et non par choix.

J’ai l’impression que votre nouveau film « De la guerre » est le troisième opus d’une trilogie entamée avec « Trente » (2007) et «Éclipses » (2016).

– On se propose toujours quelque chose qu’on pense réaliser, mais la motivation principale est liée à ce que j’éprouve face à mon réel, à mon vécu et à ma perception des choses. Ceci se traduit toujours d’une manière qui ne se préoccupe pas de la forme (bien que je dessine avec aisance). En fait, je construis dans ma tête une situation qui évacue les problèmes de construction formelle. C’est Amine Messaadi, mon Directeur Photo, qui m’a beaucoup apporté en ce sens car il a saisi l’enjeu même du projet à travers de ce qu’il sait de mon travail.

Bien que votre film aborde la Tunisie, il parait intemporel et se veut libre du contexte historique !

– C’est une réflexion sur la contemporanéité. Et même si j’ai choisi deux monuments représentatifs de la Tunisie : La Kasbah du Kef et La Grande Mosquée de Kairouan. Le reste n’a pas beaucoup d’importance car les personnages vivent dans des sortes de souterrains d’où ils ne font qu’entendre la fureur extérieure.  C’est aussi une position contre la violence que j’ai filmée en noir et blanc pour montrer qu’elle est très ancienne et qu’elle est antérieure au contexte du film. Cette violence et cette tyrannie traversent le film en sourdine et donne l’impression que nous faisons du surplace et que cette situation se reproduit périodiquement comme le dit un personnage à la fin du film.

Pourtant les noms de vos personnages ont une connexion directe avec certaines périodes de l’Histoire de la Tunisie : Bouzid, Lassoued, Ammar, … !

– C’est vrai, mais, ça n’a pas obligatoirement une connexion historique car ce qui m’importe c’est ma perception de la réalité d’aujourd’hui. J’ai plutôt cherché des sonorités différentes qui proviennent de plusieurs régions et de différentes époques. Ça m’a permis, aussi, d’aborder des personnages étonnants comme Cheikh Lassoued qui, bien qu’aveugle, arrive à décerner les réalités et les intentions mieux que les autres et bien avant eux.

La grande particularité du film est cette esquisse des femmes qui se démarque totalement de l’image convenue de la gente féminine ! Rien ne les différencie des hommes dans leurs comportements et dans leurs actes.

– L’observation du réel en Tunisie montre que les femmes sont très engagées dans les actions politiques. Elles ont pris la parole pour diriger des mouvements, des partis et des associations. Confrontées à ce nouvel état des choses, elles ont acquis une certaine dureté car elles ont une obligation de résultats. C’est la seule finalité de toutes les motivations. J’ai approché le monde politique entre 2012 et 2014, et j’ai remarqué la pugnacité et la force des femmes qui se sont séparées d’un certain idéalisme et de caractéristiques qui leurs étaient collées à la peau depuis toujours. La vérité, hommes ou femmes, personne n’est à l’abri et n’est indispensable car tout est question d’ambition privée et rien ne résiste à ça ; ni liens familiaux, ni idéaux et principes, ni morale, ni sexes ou âges. Comme dans le film, personne ne sort indemne d’une telle situation.

C’est pour cette raison qu’aucun de vos personnages n’a de perspective ; n’a de vision claire ?

– Oui, ils sont filmés dans des champs clos, regardant toujours vers le côté fermé du cadre, ayant un arrière-plan flou ou sans profondeur. Même lorsque le champ est large, comme aux pieds de la Table de Jugurtha, le personnage semble perdu et incapable de s’orienter.

Vous vous êtes appuyés, comme toujours, sur des jeunes acteurs issus de l’Institut de théâtre

– J’aime travailler avec des gens qui ont envie de travailler avec moi et je n’ai jamais su dire non à quelqu’un qui a envie d’être dans mon projet.  Quand je vois les amis de mon fils disparu, « Omar », faire du cinéma et les compagnons de mon autre fils « Ali » faire de la musique, je me dis que c’est magnifique et qu’il faut les soutenir car ce sont eux l’avenir. Ils sont en train d’instaurer des nouvelles formes de représentations libérées des normes établies, tout en propageant une énergie débordante.  Les intervenants dans le film ont apporté beaucoup à cette œuvre, surtout lors du tournage, avec pas de dépassements malgré des conditions météorologiques, matérielles et infrastructurelles difficiles. Je les remercie pour cet engagement et cette énergie.

                                                     Naceur Sardi

“De la Guerre”, film de Fadhel Jaziri (115′, Tun, 2018)

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